Témoignage de Jode, Charleville Mézières (France)
Je vous apporte mon témoignage concernant ma perception de
la fibromyalgie, enfin, ma vision de ma vie avec quelqu'un étant atteint par
cette fichue maladie (restons poli), maladie que je déteste et qui rend la vie
de Lodie très, très douloureuse... et qui moi aussi, me touche parfois durement
au passage.
Il est certain qu'il faut avoir un bon moral qui ne flanche
pas pour vouloir vivre avec une personne atteinte par « la fibro ». Si j'épouse
Lodie, c'est bien entendu par amour et certainement pas par pitié. Je ne
pourrais pas. Ca serait manquer de respect, envers elle, et ce serait me
montrer malhonnête avec moi-même. Or nous voulons une vie saine, un amour
sain... L'hypocrisie n'a pas sa place dans notre relation.
Comment évoquer cette MALadie ? Je vais vous parler de Lodie
d'abord, car c'est tout ce que je vois, en premier lieu, avant qu'elle ne m'en
parle, qui me donne une idée de ce qu'elle supporte. Et le poids est grand.
Prenez en compte également que je fais tout au quotidien pour la soutenir et
alléger ses peines... Tout ceci me rend « malade » à mon tour, elle est jeune.
Personne ne mérite cette maladie. Les détracteurs de cette maladie devraient
pouvoir vivre ces difficultés pendant un mois de leur vie (c'est une maladie à
vie, n'oublions pas, hormis les rares rémissions quasi miraculeuses..) : ils
changeraient vite d'avis.
Je dirais tout d'abord que j'ai beaucoup de chance de ne pas
avoir ce mal et finalement, d'être dans une santé somme toute très bonne. Nous
dirons que je suis « sain ».
Lodie, elle...
... a du mal à marcher : pas longtemps, sur quelques
centaines de mètres, à l'aide d'une béquille médicale le plus souvent. On ne
peut donc pas faire de randonnées, comme nous aimons pourtant. Et balader est
difficile, faire les courses également...
... est vite fatiguée. Lodie est aussi atteinte du Syndrôme
de Fatigue Chronique, le SFC. Le moindre effort lui coûte, non seulement en
douleurs diverses et variées, en permanence, mais à cela s'ajoute cette fatigue
chronique et généralisée qui l'épuise à longueur de journée. Cette « paire »
lui fait en outre faire des nuits de sommeil très courtes, quand c'est possible
(elle prend désormais, à doses minimes et espacées, des somnifères pour la
soulager... et j'en suis content ! Je culpabilise toujours de bien dormir quand
elle ferme à peine l'oeil de la nuit...). La vie n'a pas gâté cette femme
pourtant si belle...
... ne peut accéder à tout : monter des escaliers devient
vite ardu. Vivent les ascenseurs ! Mais ne parlons même pas de tous ces
bâtiments non conformes, sans rampes, sans pistes inclinées, ne possédant que
des marches ou encore, de tous ces beaux ascenseurs qui ne fonctionnent pas...
Les gens « sains » de corps (l'esprit, c'est autre chose...) ne réalisent pas
vraiment toutes ces difficultés au quotidien – tant qu'ils ne sont pas
atteints...
... souffre parfois quand je la serre trop fort dans mes
bras, ou quand je la caresse simplement – cela la « brûle » à l'intérieur; les
nerfs sont très inflamés – quand le chien lui fait la fête (une patte sur une
jambe, la queue qui bat), quand le frère la tape gentiment pour s'amuser, etc,
etc...
... ne peut rien soulever au-dessus de deux-trois kilos.
Mais aussi, ouvrir une bouteille d'eau nécessite un casse noisette (je lui
ouvre souvent toutes les bouteilles). Soulever une bouilloire d'eau est
impossible, comme une casserole de pâtes. Nous allons justement investir dans
des services de cuisines en acier léger...
... a du mal à prendre du plaisir. Pendant l'amour. Je veux
dire par là, qu'elle ne peut presque pas bouger... Bref cela limite les jeux.
Donc le plaisir, même si je m'évertue à lui en donner le plus possible.
... n'est certainement pas aidée par nos administrations et
les médecins et autres « spécialistes »... C'est le parcours du combattant.
L'OMS a reconnu cette maladie vieille de presque 200 ans en 1992, la France a
ratifié à son tour, mais n'a rien mis en oeuvre pour reconnaître les malades...
Les médecins ne connaissent que les médicaments (qui abrutissent, détruisent
les personnalités, font planer les malades, bref les déréalisent – cet avis
n'engage que moi. J'ai vu les ravages quand Lodie en prenait et les airs ahuris
de ceux qui en prennent. Elle n'en prend plus et nous sommes tous deux bien
mieux ainsi. Mais moins les malades parleront d'eux, moins nous serons emmerdés
non ?), le sport (allez faire du sport quand vous souffrez tant...) ou prennent
les fibromyalgiques pour des fous (eh oui...). Nous sommes donc en plein délire
et personne n'écoute ni ne respecte les principaux intéressés : les malades !
Quand aux administrations censées aider les malades et les médecins-conseil...
C'est le parcours du combattant pour avoir ne serait-ce qu'une « carte de
station debout pénible ». Un macaron Handicapé pour le parking, c'est trop,
beaucoup trop leur demander... Il y a de quoi enrager. En somme : ne comptez
que sur vous et vos proches !
Tout cela n'est qu'un aperçu non exhaustif de vies mêlées,
condensées en quelques dizaines de minutes. Il faut vivre avec une personne
fibromyalgique pour se rendre compte. Quand je disais que cela m'écorche au
passage, c'est qu'il n'est pas évident de se dire pour elle que la vie est
belle ou simple, car ce n'est pas entièrement vrai – je veux dire que déjà, ça
l'est moins que pour une personne « saine ». Etant sensible et par ailleurs
amoureux d'elle, cela me touche fortement quand je vois qu'elle est limitée,
quand je m'imagine ou perçois ses innombrables frustrations, quand ses crises
apparaissent, quand je la sens prête à craquer devant les difficultés de la vie
courante ou que les administrations/médecins lui mettent sur le chemin... Je
verse moi aussi des larmes pour elle. Pour avoir eu une vie dure et difficile,
je me dis avoir encore eu de la chance, quelque part, quand je la vois tant
souffrir de cette maladie dégueulasse et lâche, lâche car invisible... Je me
dis que notre vie à deux la soulagera un peu également et que je pourrais
rendre une personne heureuse.
Pour ma part, il est aussi difficile de se dire que la vie
ne va, en fin de compte, pas être « comme on le pensait », « ordinaire ». On ne
pense pas un jour tomber amoureux dingue d'une femme fibromyalgique ! Je sais
d'ores et déjà que les nombreux voyages dont je rêvais ne se feront peut-être
pas... C'est un exemple et il y en a bien d'autres. Parfois aussi, les crises
de Lodie, ses migraines la rendent difficilement supportable. Vivre H24 avec
des douleurs fluctuant dans votre corps, en permanence, ne doit pas être facile
à gérer et j'accepte ses colères, car elle a besoin d'exploser, sinon elle
deviendrait folle. Mais j'avoue que cela pèse. J'avoue parfois rêver d'une
autre vie, d'être ailleurs. Cela me pèse aussi. Mais la plupart du temps, la
grande majorité de nos journées, je suis heureux d'être avec elle et je ne veux
vivre qu'avec elle.
J'aurais pu la fuir, quand elle m'a expliqué, au début de
notre relation, ce qu'est la fibromyalgie. Je l'ai écouté – l'écoute et la
communication sont primordiaux pour les fibros; comme tout ce qui n'est pas
sain dans notre société, les malades sont souvent au ban de nos sociétés «
civilisées »... - mais je n'ai pas eu peur. Voilà juste une personne comme vous
et moi qui aimerai qu'on l'écoute, la rassure et qu'on l'aide.
Derrière la souffrance, les douleurs, tout ce qu'elle
retient en elle, les médisances, les méchancetés dites ou faites dans son dos,
ce qu'elle a connu de la part de gens ne voulant pas la comprendre ou lui
faisant du mal plus jeune, derrière cette vie déjà, si jeune, émiettée, je vois
néanmoins une personne très belle, touchante, très humaine, pleine de qualités,
vivante – aimant la vie – positive, intelligente, respectueuse, compréhensive,
pleine d'espoir et d'envies – nous aurons une maison, des enfants par exemple –
une personne qui me fait chavirer et panse mes plaies également... Une femme
que j'aime. Une femme avec qui je veux vivre et partager. Comme tout le monde.
Sources: http://actufibro.free.fr/jode.html
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